L’idée de construire un pont franchissant le golfe de Corinthe, entre la Grèce occidentale et le Péloponnèse, avait été pour la première fois évoquée en 1889 par la Premier Ministre grec de l’époque, Harilaos Trikoupis. Mais les difficultés liées au site étaient telles qu’il a fallu attendre 100 ans pour pouvoir construire ce pont, reliant les villes de Rion et Antirion.
Un site très contraignant
Il y a un million d’années, le Péloponnèse se détachait du continent et dérivait vers le sud, créant ainsi le golfe de Corinthe. Situé à la rencontre de deux plaques tectoniques, le golfe est l’une des zones les plus sismiques d’Europe : le Péloponnèse continue de s’éloigner du continent de plusieurs millimètres par an. Depuis 1965, près d’une dizaine de séismes d’une magnitude supérieure à 6 sur l’échelle de Richter ont eu lieu dans la région.
Chantier du pont Rion-Antirion, Grèce
© Gefyra - N. Daniilidis
Réalisation des fondations du pont Rion-Antirion
© Gefyra
Présentation
En conséquence, les piles du pont devaient non seulement être conçues pour résister à des séismes majeurs, mais également pour absorber des déplacements de plaques tectoniques pouvant atteindre 2 mètres dans toutes les directions.
Les fonds marins sont situés à 65 mètres sous l’eau. Les sondages effectués dans les fonds jusqu’à 100 mètres de profondeur, à partir d’un bateau spécialement équipé, n’ont montré que d’importantes couches de sols mous composés essentiellement d’alluvions, de sable et d’argile ; on a estimé que la roche se trouvait environ à 500 mètres de profondeur.
Etablir les fondations d’un pont sous 65 mètres d’eau est exceptionnel : la profondeur d’eau ne dépasse généralement pas 20 mètres pour la plupart des ponts. A cette difficulté s’ajoutait le fait que la roche, inaccessible vu sa profondeur, ne pouvait servir d’ancrage aux fondations.
Des fondations innovantes
La combinaison de ces deux facteurs, profondeur de l’eau et nature du sol, ont rendu la conception du pont particulièrement complexe. En effet, aucune des techniques de renforcement de sol ne pouvait être appliquée tel quel pour établir ensuite les fondations. C’est donc une solution totalement inédite qui a été mise en œuvre, validée par deux ans d’études, de modélisations et d’essais en laboratoire : des fondations superficielles de dimensions exceptionnelles associées à des inclusions rigides pour renforcer le sol.
A l’emplacement prévu pour chaque pile du pont, le sol mou a été renforcé par 150 tubes en acier de 2 mètres de diamètre et de 25 à 30 mètres de longueur, enfoncés verticalement dans le sol, puis recouverts d’une couche de graviers de 3 mètres d’épaisseur. Les graviers supportent les embases des piles et absorbent les mouvements du sol en cas de séisme majeur.
© Gefyra - N. Daniilidis
Chaque embase, de 90 mètres de diamètre et 13 mètres de hauteur, a d’abord été bâtie en cale sèche puis acheminée vers une cale en eau. Au fur et à mesure que la construction de la pile progressait, celle-ci s’enfonçait dans l’eau. Une fois sa hauteur immergée atteinte, la pile a été remorquée et positionnée à son emplacement définitif, où sa construction s’est achevée.
Un défi aux séismes
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Zoom sur … la barge à pieds tendus
Comment enfoncer des tubes d’acier dans une zone déterminée du fond de mer, à 7 mètres d’intervalle, puis déverser et niveler une couche de graviers sous 65 mètres d’eau ? Ces opérations, indispensables à la construction des fondations du pont, ont nécessité la mise au point d’équipements spécifiques, inspirés des techniques mises en œuvre pour les plateformes pétrolières offshore. Une barge dite « à pieds tendus » a ainsi permis de réaliser ces opérations. Il s’agit en fait d’un bateau à fond plat, dont la stabilité est assurée par l’ancrage sur des lests posés au fond de la mer. La tension des lignes d’ancrage permet de donner à l’embarcation toute la stabilité nécessaire aux opérations, malgré la houle et le courant.
La construction du pont
Une fois les quatre piles construites, la plateforme horizontale du pont, appelée tablier, a été assemblée élément par élément. Etant donné les risques sismiques, le tablier est entièrement suspendu sur ses 2 252 mètres de longueur grâce à 368 câbles métalliques, appelés haubans. Il ne repose donc pas sur les piles et peut ainsi facilement se déformer sans se rompre en cas de séisme.
Les records du pont Rion-Antirion
- La plus grande hauteur immergée pour une pile : 65 mètres
- Les embases de piles les plus imposantes : 90 mètres de diamètre
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